6 rue Emilio Castelar
75012 Paris
Inscrit à la Maison des Artistes
Depuis 1991, je travaille sur le thème de la télévision. Je la considère comme un objet efficace et insoupçonné pour créer. Son système d'émission-transmission nous amène, nous autres téléspectateurs, à adopter un regard particulier, différent de celui que nous portons sur toutes les autres choses. Elle a une matière singulière, faite de lumière, de tramages et de pulsions que je tente d'extraire de leur contexte médiatique pour les révéler comme tels et mettre en relief leur charge de sens, leur influence sur le psychisme et sur la perception.
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Tryptique, Apollo X, XI et XII
Février 1994 - 65 x 70 (ou 80) x 5 cm
Apollo XXI |
Dans ma première série "les astronautes",
("Apollo X", "Apollo XI",
"Apollo XII" et "Apollo XXI") je
montre que la télévision a quelque chose de plus que
les images qui nous entourent : une présence indéniable
semblable à celle de l'icône religieuse pour le croyant
en prière. Mais cette présence n'a rien de religieux,
même si elle est parfois mystérieuse. En photographiant
sur l'écran les astronautes des expéditions
américaines de la NASA sur la Lune, je ne fais que
montrer un peu plus ce mystère, en l'occurrence le
décalage entre l'image et la réalité. Pour accentuer
cette différence, je fais intervenir le temps par
l'aspect érodé de la présentation (intervention
chimique produisant des matières sur la surface
photosensible). Toute la série des
"astronautes" plonge le spectateur dans l'état
rêveur d'un homme du futur contemplant les vestiges du
XXème siècle.Mais ce que mes photos d'astronautes
affirment aussi c'est l'équivalence suivante : voir un
astronaute = regarder la télévision.
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Par la suite, j'ai délaissé les astronautes pour concentrer toute mon attention sur le médium de la télévivion. Dans un premier temps, j'ai continué à photographier la télévision à travers des espaces symptomatiques d'elle-même, telle la "neige" avec son bruit blanc, soit à travers des espaces particuliers, comme l'espace entre deux spots publicitaires ("5 spots et 3 tps, n, n', n''" et "Vestigium"). Dans cette série, je souhaite mettre en valeur la matière même, le médium dans sa toute sa dimension. L'objectif est de créer des oeuvres qui tranquilisent le regard affolé par le paysage contemporain. Alors que la figuration de la série précédente permettait de toucher du doigt la spécificité de la présence télévisuelle, cette fois, les représentations disparaissent peu à peu pour laisser apparaître l'image télévisuelle en tant que signal. Depuis le début de ma recherche, j'accorde une grande importance à l'indice photographique. |
Empreinte
de TV N°12 de Henri Sannier au journal télévisé |
Ce rapprochement artistique entre l'indice et le signal a débouché sur la série des "empreintes de télévision". L'empreinte de télévision est le résultat de la mise en contact directe de la feuille photosensible et de l'écran de télévision allumé. Au préalable, je choisis une émission garante de l'honorabilité de la télévision (journal, émission littéraire...) sur les chaînes françaises les plus regardées (TF1, France 2...). C'est alors que "j'empreinte" les personnages de ces émissions. Cette opération se déroule dans les conditions d'un laboratoire de photographie (totale obscurité, lumière inactinique et réglage de lumière de l'écran de télévision le plus faible possible). La technique est simple : il suffit d'appliquer sur l'écran de télévision allumé une feuille photosensible plus grande que l'écran pendant quelques secondes. Après le balayage des électrons, la feuille photographique est révélée et fixée. |
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J'obtiens une image spectrale de
personnage( "Empreinte de télévision n°6",
"Empreinte de télévision n°12" et
"Empreinte de télévision n °23" . Les
"empreintes de télévision" deviennent des
contre-images qui raccrochent le regard car elles sont
des scories de l'image télévisuelle. Ainsi, aux yeux
des spectateurs, ces empreintes semblent paradoxales car
elles quittent le champ des images contemporaines de la
réalité, pour se rapprocher du phénomène de la trace
("Neige N°2"). Ce sont des anti-leurres.
![]() Empreinte de TV N°23 de Bernard Pivot à l'emmission "Bouillon de Culture" sur France 2 le vendredi 14 octobre 1995 à 22h55 Format 50x40 cm |