Titre : série Passe Temps Technique : trikhotage : cheveux et épingles en acier Date : 1997 |
Josiane Guitard-Leroux |
Temps du tressage, Tressage du temps. Entre passé et futur, ces quelques tiges capillaires jouent avec le temps, et se font réseaux, résilles ou réticules. Ce matériau organique, si lié à la séduction et chargé de symbolique, lorsque il compose une chevelure, change radicalement de statut lors de sa chute naturelle. Détaché de ce corps quil a accompagné , devenu déchet, rebut, tas informe, il est évacué. Relevé de cette chute qui résume et condense notre présence dans le temps, il reprend sens grâce au faire artistique. Entrelacé, lié, tramé, signe et ponctuation de la mémoire, il informe ces maillages qui se révèlent comme des espaces de rencontre entre soi et soi. Parmi les choix qui forment la trame de notre existence, celui qui a consisté à modifier le processus habituel de la perte des cheveux, fit bifurquer ma pratique du tressage. Récoltés chaque jour par lartiste, lors de leur chute naturelle, les cheveux sont déposés dans diverses boîtes, dans lattente dêtre utilisés. Les qualités propres à ce matériau, malléabilité, résistance, plasticité, lont rendu propice à des mise en formes qui dérivent de cette technique. Témoin de léphémère et de la pérennité, vestige, le cheveu porte en lui lempreinte du vécu du corps auquel il était relié. Il convoque à ce titre sa présence. Nuds de focalisation de linsaisissable du présent, ces fragiles espaces parlent du temps. Aux mailles de ces filets, saccrochent des instants du passé, et les promesses du futur. Lieux derrance et de déambulation où se tresse du sens, ces entrelacs de presque rien soffrent au regard comme des tissus du destin. Josiane Guitard-Leroux L'art de rien et presque tout .... Ce sont des presque rien, qui s'entrelacent, se lient, ou se trament en de fragiles réseaux, dans un jeu troublant avec le vide. Signes et ponctuations de mémoires oblitérées, ces maillages révèlent presque tout. Le matériau organique s'informe , et informe ces tressages subtils . L'enchevêtrement de cheveux prend sens. Celle qui les tisse est fille d'Arachné, plus modeste cependant, ne rivalisant pas avec les Dieux mais juste avec elle même. Soeur de Pénélope, elle en a la ruse, jouant avec le Temps pour lier les accrocs du passé et les promesses du futur. Patiente aussi, elle a su attendre le moment propice, celui où elle a eu la certitude qu'elle pouvait donner à voir ces lieux de mémoire pour qu''ils deviennent espaces de rencontre. Il suffira de presque rien, de trois fois rien , pour que se croisent nos chemins; ceux des regardeurs et celui de la faiseuse. Trois, chiffre symbole. Trois, les lettres qui détermineront ce possible. Trois, aussi les mots qui la définissent. Femme, née à Paris en 1954. Plasticienne, dont la pratique se fonde sur le tressage, après avoir parcouru les chemins du collage, de l'assemblage et du "bricolage". Universitaire, diplômée de Paris 1, titulaire d'une maîtrise de philosophie et agrégée d'arts plastiques.
Emmanuel Brouillard en "Résonance littéraire" avec Josiane Guitard-Leroux. Texte écrit pour le Salon de la Jeune peinture 1997. Le cheveu nest pas la partie la plus éphémère de nous-même et ce nest pas les archéologues égyptiens surgissant des sépultures quadri-millénaires, une mèche de momie à la main, hilares, qui nous contrediront. Le cheveu pousse, tombe, et pousse dans la tombe le crâne, les nerfs, la vie qui lont fait naître. Le cheveu demeure là où tout le reste meurt. Au matin, il arrive quon ne se regarde plus dans son miroir, mais dans le lavabo, où tel réseau capillaire semble nous mettre en demeure de lappréhender. Nous voici captés par cet entrelacs de lignes. Une mise en forme soudain semble simposer, surtout si on ne lest pas (en forme). Mais lentropie nous gagne, et nous perd. Et la vie nous entraîne, et nos projets seffondrent. Sauf quand on sappelle Josiane Guitard-Leroux. Il y a de lêtre dans le cheveu, de lontologie dans le henné. Le roux des cheveux de josiane Guitard- Leroux nest pas étranger à cette substance; dailleurs, rien de ce qui est capillaire ne lui est étranger. Quand elle lira ces lignes , peut-être que ses cheveux se tresseront sur sa tête, pourtant je crois pouvoir affirmer ceci: il sen est fallu dun cheveux pour quelle utilise un autre moyen dexpression. Chez elle lalopécie fut salvatrice. Et cest à elle que nous devons ces réseaux, ces mailles, ces drôles de trames... Avec luvre de Josiane Guitard-Leroux cest un peu dhair qui entre dans le monde confiné du minimal art. Grâce aux productions de cette artiste, qui perdureront alors que tout vestige de notre civilisation sera tombé en poussière, les archéologues du futur sauront quau vingtième siècle déjà, lhomme était un réseau, le plus faible des réseaux peut-être, mais un réseau pensant.
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